Dans mon livre Éclore, enfin, j’explore l’inégalité d’accès aux domaines artistiques qui a frappé les femmes de ma génération, et frappe encore aujourd’hui : théâtre, mise en scène, cinéma, production, tout est tenu par une majorité d’hommes. Comme si les femmes artistes n’existaient pas, ou en très petit nombre.
Pour rappel, en 2011, 81,5 % des postes dirigeants de l’administration culturelle étaient occupés par des hommes ; 85 % des centres dramatiques nationaux dirigés par des hommes ; 85 % également des textes joués écrits par des hommes. C’est un constat similaire qu’on retrouve en 2013, dans le premier état des lieux dressé par l’Observatoire de l’égalité pour le comité ministériel : « Quel que soit le type de structure, un accès limité des femmes aux plus hautes responsabilités » ; dans la programmation artistique, « des femmes largement minoritaires ». Le rapport souligne par ailleurs que les rares structures dirigées par des femmes « reçoivent des subventions plus faibles que celles dirigées par des hommes[1] ».
Où sont les femmes ?
En lisant La vie matérielle de la grande Marguerite Duras je découvre son propre étonnement devant cette aberration :
« Depuis 1900 on n’a pas joué une pièce de femme à la Comédie Française, ni chez Vilar au TNP, ni à l’Odéon, ni à Villeurbanne, ni à la Schaubühne, ni au Piccolo teatro de Strehler, pas un auteur femme ni un metteur en scène femme. Et puis Sarraute et moi nous avons commencé à être jouées chez les Barrault. Alors que Georges Sand était jouée dans les théâtres de Paris. Ça a duré plus de 70 ans, 80 ans, 90 ans.
Aucune pièce de femme à Paris ni peut-être dans toute l’Europe. Je l’ai découvert. On ne me l’avait jamais dit.
Aucune pièce de femme à Paris ni peut-être dans toute l’Europe. Je l’ai découvert. On ne me l’avait jamais dit. Pourtant c’était là autour de nous. Et puis un jour j’ai reçu une lettre de Jean-Louis Barrault me demandant si je voulais bien adapter pour le théâtre ma nouvelle intitulée : Des journées entières dans les arbres. J’ai accepté. L’adaptation a été refusée par là censure. Il a fallu attendre 1965 pour que la pièce soit jouée. Le succès a été grand. Mais aucun critique n’a signalé que c’était la première pièce de théâtre écrite par une femme qui était jouée en France depuis près d’un siècle. »
Retrouver confiance
Il n’est pas étonnant dans ce contexte que les femmes de ma génération aient parfois tant de difficultés à rencontrer une confiance en la vie, en leur capacité, en leur valeur. Alors que si peu de modèles féminins nous ont été offerts. Nous avons à retrouver une place juste, dans les milieux artistiques comme ailleurs. Car un monde sans regard féminin est un monde pauvre, biaisé, amputé.
Retrouver ma place et oser la prendre c’est ce que m’aide à faire la méditation, chaque jour un peu plus.
[1]Monde du spectacle cherche parité, article paru sur le site Les Nouvelles News, l’autre genre d’info, le 4 mars 2013.