Découvrir l’exposition de la peintre Sally Gabori s’est révélée pour moi une expérience surprenante et inattendue. Un ami m’avait invitée à voir cette exposition à la Fondation Cartier pour l’art contemprain. J’ai accepté pour le plaisir, avec une once de curiosité pour cette peintre aborigène dont j’ignorais tout.
D’abord un peu de déception et un soupçon d’ennui.
C’était un mardi après-midi. J’avais l’impression de faire l’école buissonnière en m’accordant cette pause au cœur d’une semaine de travail intense. Une semaine parmi d’autres, si nombreuses à présent, où l’on prend à peine le temps de comprendre ce que nous traversons. Après une attente un peu longue (pourquoi tant d’impatience Marie-Laurence ?…) pour acheter nos billets, nous sommes entrés dans le bâtiment lumineux de la Fondation Cartier, à Paris. Au rez-de-chaussée, deux salles s’ouvrent à nous de part et d’autre du hall d’accueil.
Je commence par la salle de gauche pour contempler les premières toiles exposées. Je n’arrive pas à apprécier. Je ne saisis pas grand chose et trouve même cela un peu brouillon, un peu confus… Malgré mon effort pour voir la peinture, je ne vois que des traits de pinceaux que j’estime assez grossiers et sans grande harmonie.
Je me dis que ce n’est pas grave, que l’harmonie n’est pas une condition essentielle à l’art mais mon regard n’arrive pourtant pas à se rafraîchir. Ensuite, dans la salle de droite, deux œuvres collectives de grandes dimensions me relient davantage à l’exposition.
J’y reconnais ce que je connais déjà. À savoir cet art aborigène popularisé au milieu des années 1990 : une constellation de points, de lignes ou de cercles de couleurs vives. Des graphismes réhaussés par endroit de paillettes, de sables ou de terres irisées. Cela me semble joli mais j’ai toujours l’impression d’être à côté.
Dans la méditation, cela pourrait se comparer à ces moments plaisants provoqués par une pensée agréable qui vient nous visiter. C’est distrayant mais cela n’a rien à voir avec une présence véritable.
Soudain vient la transe…
Attention spoil pour celles et ceux qui voudraient aller visiter l’expo (jusqu’au 6 novembre 2022 ) Conseil : lisez l’article APRÈS votre visite !
Nous descendons alors au sous-sol qui accueille la suite de l’exposition. L’architecture du lieu est très bien faite car, lorsque l’on descend les marches, on ne soupçonne rien des salles qui nous attendent. Il faut arriver au bas de l’escalier puis opérer un virage à gauche pour découvrir la suite. Et là, c’est un choc ! Je suis immédiatement immergée dans une salle immense contenant des œuvres immenses.
Immenses par leurs dimensions, par leur énergie et par leur beauté !
J’ai l’impression que l’espace s’ouvre grand devant moi et se remplit de présences : celle de la peintre, palpable. Celles des paysages qui ont vue grandir Sally Gabori et l’ont nourrie. La présence de ses proches et de ses êtres aimés aussi, que je sens dans la salle avec nous. C’est magnifique.
Voici ma terre, ma mer, celle que je suis
Sally Gabori
Ce qui jaillit là, à travers la force de ses traits de peinture, c’est la joie. J’ai l’impression de prendre un bain de joie au bord de ces contrées marines que l’artiste interprète (Sally Gabori est née et a vécu sur des îles).
L’énergie est telle qu’elle transcende les frontières entre visible et invisible. Je peux sentir la présence de cette femme, celle de son mari bien-aimé (tous deux morts à présent). Je n’ai plus besoin d’essayer de comprendre quoi que ce soit. Ni même d’essayer d’aimer. Aucune envie de juger, de jauger, d’évaluer. Je prends juste un pur plaisir à être là, tendrement entourée. L’artiste m’offre une larme d’éveil, un moment d’ouverture, simple, direct et puissamment coloré.
La peinture comme la méditation
Lorsque je visite une exposition, un musée, une galerie, je l’aborde comme une séance de méditation. Et je me laisse surprendre.
Dans mon premier livre, je racontais qu’au retour d’un stage de méditation j’avais eu envie d’aller au musée d’Orsay. Je voulais voir des peintures de Paul Cézanne. Ce jour-là, de Cézanne, je n’ai pas vu grand chose malgré toute ma bonne volonté. J’étais à côté de la plaque. À côté de ses peintures. Et puis par hasard, une toile « m’appelle ». Il s’agit d’une cathédrale de Rouen peinte par Claude Monet. De loin, la toile me semble lumineuse. Et plus je m’approche, moins je comprends comment le peintre a réaliser une telle prouesse : de près, la toile semble constituée d’amas de peinture abstraits et plutôt ternes qui, quand on s’en éloigne, prennent la forme d’une cathédrale lumineuse et colorée… C’est magnifique. J’en ai les larmes aux yeux. Je suis bouleversée. Je me suis laissée surprendre. Comme dans la méditation.
Jamais trop tard pour s’ouvrir à la vie
Pour la petite histoire, Sally Gabori a commencé à peindre à l’âge de … 80 ans et à continuer jusqu’à sa mort, dix ans plus tard. Entre temps, elle a réalisé quelque 2000 toiles. Sally Gabori a créé une œuvre intense, libre, aux couleurs vibrantes. Elle est considérée aujourd’hui comme l’une des plus grandes artistes contemporaines d’Australie.
La découverte de cette femme et de sa fougue – dont je vous invite à lire la vie extraordinaire ici (vous la verrez peindre également) – m’a rappelé combien la présence à ce qui nous entoure peut être bonne. La vie s’offre dès que l’on s’ouvre à elle, très simplement. Et pour cela, visiter une exposition d’art est un excellent entrainement. Comme la méditation !
Si vous aimez l’art et la peinture, vous pouvez aussi lire cet article sur Cy Tombly, la visite du Musée Guimet en compagnie de Fabrice Midal. Ou encore cet article sur Frida Kahlo.
Lors de mon séjour en Ardèche, vous avez éveillé ma curiosité pour cette artiste et je suis heureuse de pouvoir voir concrètement de quoi vous parliez grâce à ce blog.
Ses peintures sont effectivement pleines de vie, de couleur, de jour ; et pleines d’espoir pour nous les vivants vieillissants.
Merci pour ce partage Marie Laurence.
Merci chère Florence, j’espère que vous avez eu l’occasion de visiter l’expo. À bientôt sur un prochain stage. Bien amicalement, Marie-Laurence