Ce matin je me lève avec une certaine inquiétude. J’ai beau me dire que c’est une nouvelle journée qui commence, la perspective d’enchaîner réunions et rendez-vous m’angoisse. Je sais que je pourrais m’ouvrir à la situation pour diluer cette inquiétude, mais je n’y arrive pas, le cœur n’y est pas. Je suis de mauvaise humeur.
La couleur de la mangue
Quand je descends dans la cuisine, ma fille et mon mari sont entrain de prendre leur petit-déjeuner. Mon mari a épluché une mangue et acheté des petits pains au lait que ma fille dévore. C’est beau à voir, cette couleur de mangue éclatante, le visage de ma fille qui se régale, la présence de mon mari qui prend tellement soin de nous… Mais passé l’effet de surprise, je replonge dans mon angoisse.
J’avale mon café, attrape mon sac et pars au travail. Dehors j’entends le chant d’un merle. C’est magnifique. Je l’entends mais je reste pourtant avec ma mauvaise humeur.
Combien de signes le monde devra-t-il faire pour me réveiller ?
Combien de signes le monde devra-t-il m’envoyer pour me sortir de cette grisaille intérieure qui n’a pas de fondement ?
Sens interdit
J’aperçois un panneau signalétique : un sens interdit joyeusement détourné en geste de tendresse ! Après un vague sourire intérieur, je passe mon chemin, prête à plonger dans le métro… C’est trop dommage ! Je reviens sur mes pas et contemple quelques instants ce panneau. C’est drôle, impertinent mais sans la moindre agressivité : un gendarme enlace de ses bras la barre blanche du sens interdit. Du street art humoristique placé là pour nous sortir de notre torpeur. Je prends une photo et le mot SAUF vient s’ajouter à la composition.
Sauf, je suis sauve. Je suis vivante, le monde me sourit et je peux me détendre. Je peux ouvrir les yeux sur la bonté du monde en ce matin pluvieux. Je peux desserrer les dents. Je peux respirer.
Je suis sauve, le monde est sauf.
Bonjour Marie-Laurence, et merci pour ce témoignage très personnel et concret.
Cette anecdote me parle et m’interroge en même temps :
Pourquoi dis-tu que cette grisaille n’a pas de fondement ? Si il y a grisaille, il y a grisaille, non ?
Ne force-t-on pas les choses en voulant trop fort être touché par le monde alors que ce n’est juste pas le moment ?
Personnellement j’ai tendance à rajouter une petite dose de culpabilisation au regret de me sentir coupée du monde. Pourtant ce n’est pas de l’ordre de la volonté…
Bonjour Anne et merci pour ton commentaire.
Cette grisaille sans fondement décrit un état flou, imprécis, dans lequel je me trouve sans raison particulière. La première chose à faire c’est de le voir (tu as raison, « s’il y a grisaille il y a grisaille »). Et ce qui est drôle c’est que, même si l’on a aucune envie de sortir de cet état – ce qui était mon cas je ne voulais faire aucun effort pour quitter de ce flou sans saveur – c’est le monde qui vient nous faire des petits signes.
La méditation nous apprend à être plus réceptif à ces sourires que nous envoie l’extérieur, et nous aide ainsi à sortir de notre enfermement sur nous-même et de notre imprécision.
Mais surtout surtout surtout pas de culpabilisation.
Au lieu d’ajouter une petite dose de culpabilité, goûte avec BIENVEILLANCE le regret d’être coupée du monde. Ce regret est DÉJÀ un vrai rapport à la situation !
Amicalement
Marie-Laurence
Merci chère Marie-Laurence pour ta réponse !
Tout cela est paradoxal ! Pour moi, l’essence même de la méditation est cette capacité à pouvoir faire le vide. Par conséquent ne pas être polluer par quelques pensées positives ou négatives.
Merci pour votre commentaire. Mais est-ce que méditer consiste vraiment à faire le vide ? Et d’ailleurs est-ce seulement possible de faire le vide ?
Tant que nous sommes vivants, éveillés ou endormis, nous pensons sans arrêt et c’est la beauté de l’esprit humain. En revanche, en développant de l’attention nous pouvons ne plus nous identifier à nos pensés, ne plus croire qu’elles nous disent la vérité sur tout… C’est en reconnaissant la fluctuation et l’instabilité de nos pensées que nous cessons de nous laisser polluer par elle. Nous arrêtons de les prendre tellement au sérieux.