Lauren Bastide est face caméra, cheveux blonds, photographiée en pleine nature. Elle porte un tee-shirt vert sur lequel est inscrit "save earth"

Comment dessiner notre futur ?

Je viens de terminer la lecture de FUTUR·ES de Lauren Bastide. Voici à mon avis l’ouvrage indispensable pour aborder 2023 avec :

  • un nouveau regard
  • un esprit ouvert
  • un espoir renouvelé en l’humanité.

Rien que ça ! Je vous explique pourquoi…

Ce livre est un miracle !

Ce livre est un miracle car il parvient à nous faire comprendre, de manière simple et accessible des notions pourtant très sensibles. Sensibles car ces notions touchent à nos croyances les plus profondes, les plus ancrées. Par exemple, la croyance que notre société est condamnée au patriarcat (comme s’il en avait toujours été ainsi). Ou la croyance que la norme est l’hétérosexualité (le reste étant au mieux dérivés, au pire déviances). Ou encore, la croyance que la binarité homme/femme est naturelle et donc impossible à remettre en cause. Mais aussi, la croyance que le pouvoir est forcément lié à une forme de violence…

Patiemment, à partir de sa propre expérience et en s’appuyant sur le travail de nombreuses autrices et auteurs, Lauren Bastide arrive à démonter ces postulats, un par un. Tout cela avec précision et douceur. Car la précision est mère de la douceur.

Le résultat est convaincant. Et très inspirant.

La binarité homme/femme est-elle naturelle ?

Comme nous toutes et tous, Lauren Bastide a « été biberonnée à cette idée qu’il y a deux sexes, et qu’il ne peut en être autrement ». Cette croyance est très importante puisqu’elle est le fondement de tout notre système social, sociétal, productif, économique. C’est donc d’emblée à un gros morceau que s’attaque Lauren Bastide…. Et elle y arrive ! Elle démontre que cette soi-disant évidence biologique est loin d’être une vérité. En s’appuyant sur de nombreuses preuves scientifiques, la journaliste rappelle que partout, et de tout temps, des personnes naissent avec des variables biologiques qui ne permettent pas d’emblée de les désigner homme ou femme. C’est en les assignant à l’un ou l’autre de ces deux sexes qu’on les fait entrer dans la binarité. À coup de chirurgie génitale, de traitements hormonaux et de suivis thérapeutiques…

La proposition de Lauren Bastide, suivant par là les mouvements initiés par de nombreuses féministes et les mouvements intersexes, est de nous ouvrir les yeux sur le fait que cette binarité est non pas naturelle mais obligatoire. Qu’elle nous est imposée depuis des siècles… avec une grosse accélération au… XXème siècle ! Pourquoi est-ce si important ? Pour ré-ouvrir le champs des possibles. Pour cesser de stigmatiser la différence. Et pour que chacune, chacun, puisse être libre d’advenir véritablement à qui elle est, qui il est. Le premier chapitre s’intitule d’ailleurs « Nous serons libres d’êtres nous-mêmes« …

L’hétérosexualité est-elle naturelle ou politique ?

Le travail de déconstruction proposé par l’autrice est imparable. Elle continue en démontrant que l’hétérosexualité est un régime politique. J’avais lu cette affirmation pour la première fois dans une interview que Paul B.Preciado donnait au magazine ELLE. C’est cette phrase, précisément, qui m’avait fait comprendre l’urgence du féminisme. Car oui, j’avoue, je faisais partie de celles qui pensaient que les combats féministes étaient derrière nous… (Aveu que l’on peut retrouver dans mon dernier livre).

Là encore, avec beaucoup de pédagogie et de douceur, Lauren Bastide nous amène à comprendre de manière limpide de quelle manière l’hétérosexualité est non seulement la source du sexisme, mais qu’elle a permis la mise en place des régimes capitalistes. En divisant les êtres humains en deux catégories bien nettes, on peut plus facilement répartir les deux fonctions les plus importantes pour que le régime capitaliste fonctionne : la production aux hommes. La reproduction aux femmes. Simple, basique !

Ainsi naît le patriarcat (qui est synonyme de capitalisme, souligne Lauren Bastide). Car pour que ce système tienne, il faut mettre en place la domination des uns sur les autres. Le capitalisme patriarcal, aujourd’hui à l’œuvre partout, rend légitime la violence, la pression, l’exploitation. Car il se base sur cette volonté féroce que tout, absolument tout, devienne rentable. L’efficacité et le gain comme unique horizon.

Un autre monde est possible

Lauren Bastide, et c’est une des grandes forces de ce livre, n’en reste pas aux constats. Qui sont déjà pourtant formidablement éclairants. Elle travaille des pistes, étayées de la recherche, de la pensée et des outils féministes, pour nous proposer un autre rapport au monde.

Aimer autrement, en respectant notre désir. Faire justice autrement, en plaçant la réparation des victimes au centre de la réflexion. Valoriser l’essentiel — au lieu de l’invisibiliser — à savoir le care et les métiers du care. Et enfin englober l’ensemble des êtres vivants en reconnaissant notre infinie interdépendance. En ressentant notre relation aux autres êtres humains mais aussi aux animaux et aux paysages.

Et si nous respections la poésie des oiseaux, la fragilité des biches, la majesté du chêne, la tendresse du bébé, quelle que soit son espèce ou sa race ?… Tous ces corps, ces vies, sans lesquelles… nous ne pourrions tout simplement pas subsister !

L’écoféminisme m’a fait comprendre le féminisme comme un embrassement complet du vivant, une lutte totale pour la justice et une restructuration complète de la narration. Ainsi passé au crible écoféministe, le féminisme n’est plus une mouvance politique ou un courant de pensée. Il est un geste accompli pour le vivant tout entier. Je suis féministe pour les femmes mais aussi pour leurs enfants, leurs frères et leurs parents. Pour la terre qu’elle foule à leurs pieds…

Une pensée méditative

À la fin de son ouvrage, Lauren Bastide évoque la méditation

tu médites parfois en ayant conscience de la sensation du vent sur ta peau, en prêtant une oreille disponible au chant perpétuellement renouvelé des oiseaux.

et plus loin elle écrit

Il faudrait ralentir […] Tous et toutes sommes capables de nous taire et d’écouter ce que la nature nous dit.

Ralentir est certainement ce qui nous manque le plus aujourd’hui, et c’est pourtant un geste à la portée de toutes et tous. Et une belle définition de la méditation.

Le futur c’est maintenant

Enfin, ce qui est enthousiasmant dans ce livre d’une clarté exceptionnelle, c’est que Lauren Bastide nous montre que ce futur, ces futur·es, sont déjà là. Il suffit de rafraîchir notre regard sur ce que nous pensions immuable. Voilà qui peut nous sortir de l’impuissance apprise et nous redonner une véritable énergie pour envisager demain.

Pour conclure, je ne résiste pas au plaisir de partager l’inspirant sommaire du livre FUTUR·ES, publié chez Allary Éditions :

  • Nous serons libres d’être nous-mêmes
  • Nous aimerons sans contraintes
  • Nous serons réparé·es
  • Nous prendrons soin les un·es des autres
  • Toutes les vies seront bonnes

Lauren Bastide est aussi la créatrice du podcast La Poudre. Tous les épisodes sont passionnants. J’ai un petit faible pour celui où elle reçoit Camélia Jordana, que je connaissais mal avant de l’écouter parler au micro de Lauren Bastide. Et pour celui avec Lous (and the Yakusa), artiste-chanteuse dont j’apprécie l’énergie et l’intelligence.

Portrait de Lauren Bastide en ouverture de l’article © Marie Rouge

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