L’expression « sortir de sa zone de confort » m’a toujours paru étrange.
Le travail est-il réellement une zone de confort ?
On invite les collaborateurs d’une entreprise à sortir de leur zone de confort. Pourtant, rien ne laisse entrevoir le moindre confort dans leur situation : les doubles contraintes s’enchaînent dans des journées remplies « comme des œufs » où, bien souvent, les objectifs sont perdus de vue.
Entre la peur de ne plus comprendre ce qu’ils ont à faire, l’impossibilité de gérer le déluge continu d’informations diverses et l’injonction d’être productif, le quotidien n’a rien d’un long fleuve tranquille où l’on pourrait avoir tendance à se laisser aller à trop de confort !
J’accompagne chaque année une trentaine d’industriels français dans leurs relations médias. Aucun service de communication, aucune direction marketing, aucune direction générale ne semble se reposer sur ses lauriers et encore moins « se vautrer » dans le confort.
Accrochés à notre boîte mail, nous sommes devenus des routeurs humains
Dans son formidable livre Deep work, Cal Newport explique que nous sommes devenus des « routeurs humains » : nous passons aujourd’hui un temps considérable à traiter des mails, ce qui non seulement n’a rien de confortable, mais s’avère d’un très pauvre rendement économique ! Nous n’avons pas encore trouvé l’ajustement nécessaire à ce trop-plein de messages quotidiens qui nous plongent dans une distraction continuelle et nous empêchent bien souvent de faire ce que nous avons réellement à faire – à savoir exprimer le meilleur de nos compétences.
L’économiste Caroline Webb écrit quant à elle dans Passer une bonne journée au bureau c’est possible que les réunions, qui devraient être un formidable espace d’échanges puisque nous sommes des êtres relationnels, sont devenues une corvée. Elles sont principalement organisées pour regarder ensemble des PowerPoint trop longs et se donner l’illusion d’avancer… Preuve en est, on plaint presque un collègue ou un client quand on sait qu’il doit assister à trois ou quatre réunions dans la journée…
on plaint presque un collègue ou un client quand on sait qu’il a trois ou quatre réunions dans la journée…
Dans son ouvrage, Caroline Webb consacre d’ailleurs un appendice titré « Comment réussir ses réunions » très éclairant. Nombre de personnes intelligentes passent des semaines à préparer une présentation et ne prennent que quelques minutes pour s’interroger sur les moyens d’en tirer le meilleur parti. La tendance pourrait être inversée en changeant d’angle de vue sur les réunions et sur leur véritable fonction.
Les journées morcelées
À force de répondre à des sollicitations diverses et sans cohérence, il arrive que nous ne sachions plus vraiment qui nous sommes.
Nos journées sont parfois tellement morcelées, tellement fragmentées que nous sommes devenus les kaléidoscopes de nous-mêmes.
Là encore, l’exemple des mails est frappant : chacun d’eux amène son lot de surprises – voire de problèmes – et nous sort de la concentration que demanderait un travail sérieux et en profondeur. Et pour cent mails traités, combien sont réellement productifs ? Combien apportent une véritable valeur à l’entreprise ?
Retrouver le confort de l’écoute
Nous avons au contraire besoin de plus de confort. Un confort qui serait fait d’une écoute extrême, d’espaces de réflexion, de possibilités de se concentrer pour produire un travail profond et véritablement créatif.
Nous avons besoin de retrouver du temps et de l’espace. Nous avons besoin de rythmer nos journées de manière plus attentive au lieu d’être ballotés sans cesse par les fausses urgences. Nous avons besoin de retrouver plaisir à travailler, et ce quel que soit notre travail. Contrairement aux idées reçues, ce qui compte en effet est peut-être moins la tâche à accomplir que la manière de l’accomplir. On peut prendre soin – et goût – à effectuer une mise en page, à rédiger un texte, à vérifier des comptes, à planifier des réunions, à organiser un événement, à ranger son bureau, à gérer le planning de l’entreprise, à établir des objectifs qui ont du sens …
Les pauses productives
Il est important de prévoir des plages régulières pour ne rien faire et permettre ainsi à notre cerveau de développer ses capacités cognitives (c’est aujourd’hui prouvé scientifiquement – voir à ce sujet l’ouvrage de Caroline Webb).
S’arrêter quelques minutes par jour pour ne rien faire est plus que jamais nécessaire pour maintenir un travail de qualité. Il est possible de développer de l’attention et de l’intelligence par des pauses de mindfulness.
Loin d’être un passe-temps pour oisifs ou une échappatoire pour s’isoler du monde, la méditation est une formidable opportunité pour retrouver le goût du travail et de la vie dans un monde où densité et rapidité n’ont plus aucune limite.