deux femmes, une de face, une de profil sont prises en photos de manière à ce que leur deux visages semblent n'en former qu'un

Pire que les hommes

Quand elles sont au pouvoir, les femmes sont encore pire que les hommes… Vraiment ? Longtemps j’ai entendu cette phrase. Comme la plupart des femmes de ma génération d’ailleurs. Cette sentence résume le mythe de la femme assoiffée de pouvoir qui s’avère encore plus cruelle et dangereuse qu’un homme. Cette réflexion excuse l’injustice des hommes dominants car, au fond, ce n’est pas de leur faute, c’est le pouvoir qui les transforme. Preuve en est : quand les femmes jouissent de ce même pouvoir, elles sont encore pire… Mais est-ce bien vrai ?

S’il y a bien une chose que m’a apprise la méditation c’est, face aux préjugés, de toujours poser la question : « Mais est-ce bien vrai ? »

Et pourtant, les femmes font souvent mieux !

Dans mon essai Eclore, enfin[1], je consacre un chapitre entier aux femmes qui ont un certain pouvoir, politique ou économique.

Et la vérité est claire : non elles ne sont pas pires, au contraire elles font mieux !

Extrait :

En 2020, une étude britannique publiée par le Center for Economic Policy Research et le World Economic Forum a révélé qu’en temps de crise sanitaire, mieux vaut avoir une femme à la tête de son pays. La pandémie du Covid-19 semble en effet avoir été mieux gérée dans les États dirigés par des femmes. Nouvelle-Zélande, Islande, Allemagne, Finlande ont enregistré des taux de contamination et de décès plus faibles que leurs pays voisins. Cette analyse, basée sur les données de cent quatre-vingt-quatorze pays, montre que les États dirigés par des femmes présentent des résultats « systématiquement et significativement meilleurs » concernant la gestion de la crise sanitaire, en freinant plus tôt l’épidémie et en subissant en moyenne deux fois moins de décès que ceux dirigés par des hommes. L’étude, menée par deux chercheuses, suggère que cette différence « peut s’expliquer par les réponses politiques proactives et coordonnées[2] » adoptées par les femmes dirigeantes.

Une autre analyse britannique, menée par la professeure en développement international Kate Maclean, avance que ces femmes sont de bons leaders car elles ont été élues au sein de systèmes politiques dans lesquels leur style de leadership, plus collaboratif et démocratique, peut être valorisé, « car ils sont explicitement conçus pour tenir à distance les dirigeants populistes, les “hommes forts[3]” ».


Diviser pour mieux régner

Il n’empêche qu’à chaque fois que j’ai essayé de discuter de ce point avec une femme de ma génération, mon interlocutrice trouvait toujours un exemple, proche ou lointain, d’une femme qui se comportait mal en tant que manageuse, que figure politique ou tout simplement en tant que cheffe de famille… Cette croyance est tellement ancrée que le moindre faux pas – qu’on excuse sans problème venant d’un homme – est passé au microscope et consigné quand il vient d’une femme.

Et puis, il y a deux semaines j’ai lu le dernier livre de Mona Chollet, Résister à la culpabilisation[4].


J’y ai trouvé une réponse qui pourrait nous aider à repenser la sororité. À développer un nouveau regard sur nos sœurs d’infortune, basé sur une compréhension bienveillante.

Résister à la culpabilisation

Voici ce qu’écrit Mona Chollet : « Beaucoup de défauts traditionnellement attribués aux femmes peuvent être interprétés comme des attitudes ou des stratégies que leur position de dominée les a fortement poussées à adopter. On les prive de tout pouvoir, puis on les accuse d’en être assoiffées. On les écrase, puis on les décrit comme sournoises et manipulatrices. On leur inflige toutes sortes d’injustices, puis on les trouve émotives, geignardes, hystériques, colériques, menaçantes, violentes. On les oblige à exister socialement par leur beauté et leur fraîcheur (qualités essentielles sur le marché matrimonial) puis on stigmatise leur narcissisme, leur frivolité, leur vanité. On les met constamment en concurrence les unes avec les autres, puis on les présente comme foncièrement jalouses, mesquines, médisantes. Elles ne sont jamais assez effacées : on les asservit aux besoins des autres, puis on se désole de leur égoïsme incurable ; on les réduit au silence, puis on se plaint de leur bavardage incessant.

Enfin on les blâme pour des agissements dont elles sont les victimes : on les harcèle, on les agresse sexuellement, on les viole, puis on prétend qu’elles sont aguicheuses, lubriques, débauchées » poursuit-elle dans son dernier ouvrage.

Montrer du doigt

Les différents systèmes de domination mis en place dans nos sociétés, racisme, sexisme, validisme, âgisme, parentalité radicale, contraignent les personnes opprimées à réagir. Et dès qu’elles réagissent, le système les montre du doigt – en les stigmatisant – pour justifier encore plus de domination. « Vous voyez … On ne peut rien lui dire. À la moindre remarque elle monte sur ses grands chevaux, devient agressive ou hystérique…». Ce sont des systèmes qui en quelque sorte nous poussent « à la faute » pour ensuite valider qu’ils avaient bien raison de ne pas nous faire confiance.

Pour les opprimées, c’est la double peine.

Vous n’avez pas de place attitrée mais, si vous vous en plaignez, vous passez pour des personnes difficiles, capricieuses ou instables.

Le regard méditatif pour déconstruire

Il m’a fallu du temps pour ouvrir les yeux. À cause de cette petite phrase « quand elles sont au pouvoir, elles ont encore pire que les hommes »… On pourrait presque parler d’une prophétie qui se transforme en sortilège ! Il m’a fallu du temps pour oser regarder si c’était véritablement l’expérience que je vivais. Car à moi, comme à toutes les autres, on avait bien appris à se méfier des femmes… Et lors des nombreux entretiens que j’ai menés pour écrire « Éclore, enfin » ce sortilège revenait régulièrement. Alors j’ai commencé à examiner, à sentir, à éprouver. J’ai exercé ce regard méditatif qui permet de déconstruire en ne tenant rien comme inquestionnable. Avec patience, avec douceur aussi. Car il faut beaucoup de douceur pour déconstruire nos idées reçues.

Plus besoin d’être la préférée

Cessons de nous tromper de combat.

L’ennemi commun c’est le système, pas les autres femmes.

La soi-disant concurrence entre femmes est sans cesse exacerbée par les injonctions sociétales. Mais aujourd’hui nous n’avons plus à nous battre pour devenir la « préférée » de papa ou du patron.

C’est infantile, dépassé et pas digne de nous.

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  • [1] Marie-Laurence Cattoire, Éclore, enfin, manifeste des femmes indociles, Leduc, 2022.
  • [2] Leila Marchand, Les Échos, 19 août 2020.
  • [3] The Conversation, 29 juin 2020
  • [4] Mona Chollet, Résister à la culpabilisation, Éditions La Découverte, 2024
  • Photo : Ann Bugaichuk
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